Un puma feule au fond de ma mémoire
Titre
Un puma feule au fond de ma mémoire
Créateur
Éditeur
Date
2004
Format
14 X 21 cm.
Langue
fr
Type
Support
369 p.
Identifiant
VIR-P-0 000 096
Résumé
2003 : Ariane Le Fort remporte le Rossel avec une voix d’avance sur Foulek Ringelheim.
2004 : Isabelle Spaak remporte le Rossel avec une voix d’avance sur Patrick Virelles.
Dans les deux cas, une jeune femme à l’écriture sobre l’emporte sur un homme mûr au style flamboyant. L’histoire se répéterait-elle ?
A lire ce quatrième roman de Patrick Virelles, en tout cas, on se dit que le jury du Rossel a dû batailler ferme. L’auteur de « Peau de Vélin » et des « Pigeons de Notre-Dame » tient en effet la toute grande forme. C’est, à mon sens, son meilleur livre, peut-être parce qu’il parle d’un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, à corps, à cri : lui-même.
Nous savons en effet que Patrick Virelles est né en 1939 sous le nom de baptême de Patrick Vinckenbosch… et le narrateur, Frédéric Tenbosch, est né en 1939. Que Patrick Vinckenbosch fut l’élève à l’Athénée Catteau de Robert Frickx, nom de plume Robert Montal… et Frédéric Tenbosch est encouragé dans ses (prometteurs) balbutiements littéraires, à Catteau, par un certain Robert Trickx, professeur de français qui publie des romans sous le pseudonyme de Robert Talmon. Qu'à dix-sept ans, avec quelques « ketjes » dans son genre, il «commit» un journal satirique au vitriol (« H2S04 ») dont les invendus furent saisis et brûlés dans la cour de ce même Athénée… anecdote qui figure aussi au tableau de chasse de Frédéric. Qu'à dix-neuf ans, il rompt avec sa famille pour les beaux yeux (et pas seulement les yeux) d’une femme qui part avec lui pour Paris… et Frédéric, à la dernière page du livre, rencontre enfin cette « Douce » dont tout le livre est plein, ce qui laisse présager un deuxième épisode des aventures de Patrick-Frédéric Vinckenbosch-Virelles-Tenbosch qui pourrait s’intituler : « Frédéric à Paris ».
Certes, si ce livre est autobiographique, il est d’abord un roman. C’est-à-dire, peut-être avant tout, un exercice de « catharsis », comme l’indique l’épigraphe de Gérard de Cortanze : « L’écrivain écrit pour se venger, pour dénigrer, pour vampiriser, pour utiliser, pour mentir, pour voler des vies, pour falsifier la réalité, pour tuer, pour être, pour cacher sa lâcheté, pour ne pas devenir médiocre, pour fuir, pour biaiser. » Le lecteur est prévenu : « all is true », disait Stendhal ? « Maybe », répond Virelles. Qui sait ? Dans la nomenclature des exploits de Frédéric – on serait tenté de dire, des « quatre cents coups » de Frédéric – quels sont à porter au tableau de chasse de Patrick ? Quels à mettre au compte de son imagination ? Quels relèvent à la fois des deux séries ? Sans doute tous. Sans doute Patrick, au jeu des « Je me souviens », introduit-il toujours un peu de ces cartes faussées que l’homme garde en réserve pour gagner au poker contre le réel lui-même. Sans doute l’auteur, sur le fond réaliste de son tableau introduit-il les sept erreurs qui lui permettront de rigoler sous cape en imaginant les interrogations sceptiques, les hochements de tête dubitatifs de ses lecteurs.
Au musée personnel de Frédéric, l’oncle André occupe une place de choix : André, ou Mandré, comme « Mandrake », l’oncle magicien, séducteur, vaurien, fugueur, à qui l’enfant ressemble peut-être plus qu’à son père, l’aviateur falot qui jamais ne décolla, le « rampant », la chenille qui jamais ne devint papillon. Faute de pouvoir l’admirer, ce père absent des premières années du gamin pour cause de captivité, l’enfant va se forger un mythe de l’oncle d’Amérique auquel s’associe directement l’image du puma ramené un jour par Mandré, ce félin racé, déraciné, qui ne s’appelle pas Rimbaud par hasard : chez Mandré, chez Frédéric, comme chez Arthur, un fauve indompté, un père absent, une mère nerveuse, et des espoirs de Harrar…
Et puis les femmes : entre la grand-mère et la mère, lutte des classes, lutte des âges, lutte des langues, haine quotidienne et quotidienne escalade dans les signes extérieurs de l’amour pour planter son drapeau dans le cœur de l’enfant. Et toutes les autres, « petites amoureuses » pour lesquelles Frédéric semble n’éprouver qu’un mélange de désir et de mépris, jusqu’à la découverte de Douce, la « vraie femme ».
Un roman d’humeur. D’humeurs. Tous les liquides du corps largement répandus – il y aurait une étude approfondie à rédiger à ce sujet : salive des crachats, sang du cochon égorgé, des coqs entretués, des suicides ratés ou réussis, bile des vomissures, sperme des branlettes à peine pubères et des premiers préservatifs. L’humanité Virelles sue dans ses draps, pisse dans la neige, vomit sa famille, peut-être sa vie, et pourtant baise et jouit, entretenant le cycle, car que peut-on faire d’autre que souffrir et jouir ?
Un roman d’humour. Le rire comme politesse du désespoir, encore et toujours. Rabelais vêtu des plumes de Rimbaud, la lourde farce sous le loup des mots, la gorge déployée comme la mère dépoitraillée, comme le porc saigné à blanc.
Un roman d’amour, enfin. Amour de la vie, quand même, car elle est notre seule et si éphémère voie. Amour de Douce, comme un baume permanent sur les plaies du farceur suicidaire. Amour de la langue, de ce français que le ketje Virelles connaît comme peu d’écrivains de France, de ce vocabulaire dont il se saoule, de ces périodes qu’il coule avec jubilation dans ses creusets d’orfèvre, de ce bagout de bateleur nourri de lectures boulimiques, de ces mots doux, de ces mots durs, de ces mots dominos qui se bousculent, se culbutent, s’éparpillent, ces mots prestidigitateurs qui refusent de se laisser abattre, de quitter à jamais les dictionnaires, les esprits et les cordes vocales. Ces mots qui ne veulent pas mourir.
2004 : Isabelle Spaak remporte le Rossel avec une voix d’avance sur Patrick Virelles.
Dans les deux cas, une jeune femme à l’écriture sobre l’emporte sur un homme mûr au style flamboyant. L’histoire se répéterait-elle ?
A lire ce quatrième roman de Patrick Virelles, en tout cas, on se dit que le jury du Rossel a dû batailler ferme. L’auteur de « Peau de Vélin » et des « Pigeons de Notre-Dame » tient en effet la toute grande forme. C’est, à mon sens, son meilleur livre, peut-être parce qu’il parle d’un sujet qui lui tient particulièrement à cœur, à corps, à cri : lui-même.
Nous savons en effet que Patrick Virelles est né en 1939 sous le nom de baptême de Patrick Vinckenbosch… et le narrateur, Frédéric Tenbosch, est né en 1939. Que Patrick Vinckenbosch fut l’élève à l’Athénée Catteau de Robert Frickx, nom de plume Robert Montal… et Frédéric Tenbosch est encouragé dans ses (prometteurs) balbutiements littéraires, à Catteau, par un certain Robert Trickx, professeur de français qui publie des romans sous le pseudonyme de Robert Talmon. Qu'à dix-sept ans, avec quelques « ketjes » dans son genre, il «commit» un journal satirique au vitriol (« H2S04 ») dont les invendus furent saisis et brûlés dans la cour de ce même Athénée… anecdote qui figure aussi au tableau de chasse de Frédéric. Qu'à dix-neuf ans, il rompt avec sa famille pour les beaux yeux (et pas seulement les yeux) d’une femme qui part avec lui pour Paris… et Frédéric, à la dernière page du livre, rencontre enfin cette « Douce » dont tout le livre est plein, ce qui laisse présager un deuxième épisode des aventures de Patrick-Frédéric Vinckenbosch-Virelles-Tenbosch qui pourrait s’intituler : « Frédéric à Paris ».
Certes, si ce livre est autobiographique, il est d’abord un roman. C’est-à-dire, peut-être avant tout, un exercice de « catharsis », comme l’indique l’épigraphe de Gérard de Cortanze : « L’écrivain écrit pour se venger, pour dénigrer, pour vampiriser, pour utiliser, pour mentir, pour voler des vies, pour falsifier la réalité, pour tuer, pour être, pour cacher sa lâcheté, pour ne pas devenir médiocre, pour fuir, pour biaiser. » Le lecteur est prévenu : « all is true », disait Stendhal ? « Maybe », répond Virelles. Qui sait ? Dans la nomenclature des exploits de Frédéric – on serait tenté de dire, des « quatre cents coups » de Frédéric – quels sont à porter au tableau de chasse de Patrick ? Quels à mettre au compte de son imagination ? Quels relèvent à la fois des deux séries ? Sans doute tous. Sans doute Patrick, au jeu des « Je me souviens », introduit-il toujours un peu de ces cartes faussées que l’homme garde en réserve pour gagner au poker contre le réel lui-même. Sans doute l’auteur, sur le fond réaliste de son tableau introduit-il les sept erreurs qui lui permettront de rigoler sous cape en imaginant les interrogations sceptiques, les hochements de tête dubitatifs de ses lecteurs.
Au musée personnel de Frédéric, l’oncle André occupe une place de choix : André, ou Mandré, comme « Mandrake », l’oncle magicien, séducteur, vaurien, fugueur, à qui l’enfant ressemble peut-être plus qu’à son père, l’aviateur falot qui jamais ne décolla, le « rampant », la chenille qui jamais ne devint papillon. Faute de pouvoir l’admirer, ce père absent des premières années du gamin pour cause de captivité, l’enfant va se forger un mythe de l’oncle d’Amérique auquel s’associe directement l’image du puma ramené un jour par Mandré, ce félin racé, déraciné, qui ne s’appelle pas Rimbaud par hasard : chez Mandré, chez Frédéric, comme chez Arthur, un fauve indompté, un père absent, une mère nerveuse, et des espoirs de Harrar…
Et puis les femmes : entre la grand-mère et la mère, lutte des classes, lutte des âges, lutte des langues, haine quotidienne et quotidienne escalade dans les signes extérieurs de l’amour pour planter son drapeau dans le cœur de l’enfant. Et toutes les autres, « petites amoureuses » pour lesquelles Frédéric semble n’éprouver qu’un mélange de désir et de mépris, jusqu’à la découverte de Douce, la « vraie femme ».
Un roman d’humeur. D’humeurs. Tous les liquides du corps largement répandus – il y aurait une étude approfondie à rédiger à ce sujet : salive des crachats, sang du cochon égorgé, des coqs entretués, des suicides ratés ou réussis, bile des vomissures, sperme des branlettes à peine pubères et des premiers préservatifs. L’humanité Virelles sue dans ses draps, pisse dans la neige, vomit sa famille, peut-être sa vie, et pourtant baise et jouit, entretenant le cycle, car que peut-on faire d’autre que souffrir et jouir ?
Un roman d’humour. Le rire comme politesse du désespoir, encore et toujours. Rabelais vêtu des plumes de Rimbaud, la lourde farce sous le loup des mots, la gorge déployée comme la mère dépoitraillée, comme le porc saigné à blanc.
Un roman d’amour, enfin. Amour de la vie, quand même, car elle est notre seule et si éphémère voie. Amour de Douce, comme un baume permanent sur les plaies du farceur suicidaire. Amour de la langue, de ce français que le ketje Virelles connaît comme peu d’écrivains de France, de ce vocabulaire dont il se saoule, de ces périodes qu’il coule avec jubilation dans ses creusets d’orfèvre, de ce bagout de bateleur nourri de lectures boulimiques, de ces mots doux, de ces mots durs, de ces mots dominos qui se bousculent, se culbutent, s’éparpillent, ces mots prestidigitateurs qui refusent de se laisser abattre, de quitter à jamais les dictionnaires, les esprits et les cordes vocales. Ces mots qui ne veulent pas mourir.
ISBN
2-8040-1993-4
Collection
Citer ce document
Virelles, Patrick, “Un puma feule au fond de ma mémoire,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 22 décembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/1227.