le veilleur d'apocalypse
Titre
le veilleur d'apocalypse
Créateur
Éditeur
Date
1995
Description
FLRB-BAU-V-0 000 236 : dédicace de l'auteur à Luc Rémy
Format
15 x 21 cm
Langue
fr
Type
Support
55 p.
Identifiant
FPPB-BAU-V-0 000 326
FLRB-BAU-V-0 000 236
Résumé
L'envers du décor
Je veille à l'orée des orages. Je surveille l’arbre plein de vent.
Une respiration lente, des mots comptés, six petites histoires resserrées autour d'un noyau douloureux, des phrases que l'on dirait rêvées, élaborées les yeux mi-clos derrière un mur, à la recherche d'une émotion particulière. Le dernier recueil de Claude Bauwens, Le Veilleur d'apocalypse, commence par une pièce de théâtre en un acte dont les personnages, de Théodore à Théodule, de Théophile à Théophraste, glissent les uns vers les autres de façon fantasmatique. Il y est question de chevaux mastodontes, de traces laissées dans la neige et la poussière. Cette pièce allégorique, à enseignement variable, semble placer le recueil sous les auspices d'une fin du monde que les autres histoires, toutes à leur manière, viendront illustrer de façon plus concrète, à partir d'un morceau de paysage, d'une évocation quotidienne.
Le veilleury à force de scruter, ahuri, le floconnement dense de la neige, la vit noire et de mauvais augure, se crut aveugle. Frissonnant de malaise, il ne se rappelait plus âme qui vive, ni murmure si anodin soit-il
La tour du guet, la maison aux recoins obscurs, un village de campagne. Deux ou trois collines, un marécage et au-delà, un hameau déserté que revisite la mémoire. Tout un imaginaire se déploie entre ces limites affectives (Spiennes, Nouvelles, Saint-Symphorien ?) où le monde est inscrit. Au fil des lignes, le veilleur s'y transit, craignant d'entendre, à chaque instant, quelque lointain frapper à sa porte comme un croquemort. Les lieux chers sont psalmodiés, décrits, disséqués et, ici ou là, une phrase puisée au hasard (de Michaux, de Thinès...) sert d'emblème ou d'amulette au raconteur inquiet.
Par la glauque embrasure, on entrevoit l'ultime lueur d'un jour qui n'eut vraiment pas lieu, la dernière pâleur ébauchant les arbres par les pluies pourris. On discerne aussi l'eau, entre joncs et troncs, débordant du marais.
Pourtant, l'étroitesse du décor ne s'accompagne ici d'aucun immobilisme. Le veilleur ne cesse au contraire de se déplacer. Dans le temps tout d'abord, à la rencontre de son enfance où prennent naissance et se concentrent son effroi, ses obsessions futures. S'y dresse le fantôme de la guerre, qui voua le petit garçon à sa condition de prisonnier volontaire. Le veilleur conserve d'elle la peur de l'endroit imprécis où gronde le canon et la peur de l'orage, la science des signes de l'apocalypse à décrypter dans le creux d'un nuage, sur la tranche d'un roseau. Mais il voyage aussi dans l'espace, à travers son petit domaine variant au rythme des saisons, riche en mystères et généreux en découvertes. Enfin, il arrive que le sexe de l'amour, infiniment grandi par l'œil impatient qui le fixe, dérive en forêt, révèle un passage qui s'écroule en avenue.
Il y a longtemps que l'obus qui fendait l'air, a éclaté.
L'ensemble du recueil, comme son titre l'indique, est crispé dans l'attente d'une catastrophe irrémédiable dont l'air et la terre, les minéraux et les végétaux, portent les indices. Pourtant, rien n'advient jamais que cette tension renouvelée, cette terreur intermittente se justifiant en menus éboulements et autres aléas météorologiques. On ne trouvera, dans Le Veilleur d'apocalypse, qu'effritement d'une motte sous la bêche, désagrégation du ciel en giboulées, de brindilles dans le feu et de caves en mérule, jusqu'au « vide », au « silence infinis ». Autant de prétextes à vanter la magie d'un objet familier, à dénoncer le mensonge des ennuyeuses campagnes hennuyères, à montrer, sans que la lucidité fasse d'autre concession au texte que celle de la tendresse, l'envers du décor.
Françoise Delmez
Je veille à l'orée des orages. Je surveille l’arbre plein de vent.
Une respiration lente, des mots comptés, six petites histoires resserrées autour d'un noyau douloureux, des phrases que l'on dirait rêvées, élaborées les yeux mi-clos derrière un mur, à la recherche d'une émotion particulière. Le dernier recueil de Claude Bauwens, Le Veilleur d'apocalypse, commence par une pièce de théâtre en un acte dont les personnages, de Théodore à Théodule, de Théophile à Théophraste, glissent les uns vers les autres de façon fantasmatique. Il y est question de chevaux mastodontes, de traces laissées dans la neige et la poussière. Cette pièce allégorique, à enseignement variable, semble placer le recueil sous les auspices d'une fin du monde que les autres histoires, toutes à leur manière, viendront illustrer de façon plus concrète, à partir d'un morceau de paysage, d'une évocation quotidienne.
Le veilleury à force de scruter, ahuri, le floconnement dense de la neige, la vit noire et de mauvais augure, se crut aveugle. Frissonnant de malaise, il ne se rappelait plus âme qui vive, ni murmure si anodin soit-il
La tour du guet, la maison aux recoins obscurs, un village de campagne. Deux ou trois collines, un marécage et au-delà, un hameau déserté que revisite la mémoire. Tout un imaginaire se déploie entre ces limites affectives (Spiennes, Nouvelles, Saint-Symphorien ?) où le monde est inscrit. Au fil des lignes, le veilleur s'y transit, craignant d'entendre, à chaque instant, quelque lointain frapper à sa porte comme un croquemort. Les lieux chers sont psalmodiés, décrits, disséqués et, ici ou là, une phrase puisée au hasard (de Michaux, de Thinès...) sert d'emblème ou d'amulette au raconteur inquiet.
Par la glauque embrasure, on entrevoit l'ultime lueur d'un jour qui n'eut vraiment pas lieu, la dernière pâleur ébauchant les arbres par les pluies pourris. On discerne aussi l'eau, entre joncs et troncs, débordant du marais.
Pourtant, l'étroitesse du décor ne s'accompagne ici d'aucun immobilisme. Le veilleur ne cesse au contraire de se déplacer. Dans le temps tout d'abord, à la rencontre de son enfance où prennent naissance et se concentrent son effroi, ses obsessions futures. S'y dresse le fantôme de la guerre, qui voua le petit garçon à sa condition de prisonnier volontaire. Le veilleur conserve d'elle la peur de l'endroit imprécis où gronde le canon et la peur de l'orage, la science des signes de l'apocalypse à décrypter dans le creux d'un nuage, sur la tranche d'un roseau. Mais il voyage aussi dans l'espace, à travers son petit domaine variant au rythme des saisons, riche en mystères et généreux en découvertes. Enfin, il arrive que le sexe de l'amour, infiniment grandi par l'œil impatient qui le fixe, dérive en forêt, révèle un passage qui s'écroule en avenue.
Il y a longtemps que l'obus qui fendait l'air, a éclaté.
L'ensemble du recueil, comme son titre l'indique, est crispé dans l'attente d'une catastrophe irrémédiable dont l'air et la terre, les minéraux et les végétaux, portent les indices. Pourtant, rien n'advient jamais que cette tension renouvelée, cette terreur intermittente se justifiant en menus éboulements et autres aléas météorologiques. On ne trouvera, dans Le Veilleur d'apocalypse, qu'effritement d'une motte sous la bêche, désagrégation du ciel en giboulées, de brindilles dans le feu et de caves en mérule, jusqu'au « vide », au « silence infinis ». Autant de prétextes à vanter la magie d'un objet familier, à dénoncer le mensonge des ennuyeuses campagnes hennuyères, à montrer, sans que la lucidité fasse d'autre concession au texte que celle de la tendresse, l'envers du décor.
Françoise Delmez
Collection de l'éditeur
Dépôt légal
1995/2292/24
Collection
Citer ce document
Bauwens, Claude, “le veilleur d'apocalypse,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 22 décembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/1572.