La puissance du manque
Titre
La puissance du manque
Créateur
Contributeur
Éditeur
Date
1993
Description
Dédicace de l'auteur à Luc Remy plus une aquarelle exécutées sur la page de garde. Illustration de l'auteur.Maquette de Hélène De Noose.
Format
13 X 20 cm
Langue
fr
Type
Identifiant
FLRB-CEU-P-0 000 062
Résumé
Le bûcher des vanités
Cet été, les Editions du Cerisier font paraître un texte d'un genre un peu particulier : un roman-théâtre sur la pauvreté. Dire qu'il s'agit d'un roman flanqué d'une pièce de théâtre racontant la même histoire serait encore trop simple. Le premier texte constituait au départ une longue note introductive destinée à combler de détails et d'intentions les insuffisances de la pièce (et donc les dénonçant). La richesse narrative, le travail stylistique dont il a profité lui confèrent une qualité romanesque indubitable. Ceuppens tâche de montrer, en évitant les écueils de l'analyse sociologique, ce qu'est la pauvreté aux abords d'une grande ville. Le caractère d'urgence et de nécessité motivant son entreprise a gagné son écriture : une précision obsessionnelle — et quasi puérile si elle n'était pas si bien maîtrisée — la sous-tend, qui pourrait faire songer d'un peu loin à Thomas Bernhard. En fait, c'est la difficulté à parler de la pauvreté (dénonçant à rebours la difficulté à la saisir dans tous ses aspects) qui devient le sujet de ce texte double et inclassable, bénéficiant d'une mise en abyme intéressante : Julius, père de trois enfants, pauvre dans un quartier d'ouvriers gagnant bien leur vie, distributeur de journaux quelques jours par semaine, privé d'identité administrative, multiplie les manœuvres de déclassement en se mettant à écrire. Il a déjà rédigé deux articles, trônant sous chemise plastifiée dans la pièce qui lui sert d'appartement, et voudrait en rédiger davantage. Les lessives bruyantes de sa femme cristallisent les obstacles qui s'imposent à son ambition. Lorsqu'il ne travaille pas, Julius marche. Il se lève tôt. Il rentre tard. Il cherche le long du canal, dans les parkings souterrains, aux abords des terrains vagues. La nuit, il écrit ce qu'il a vu. Les regards dubitatifs que posent sur lui les autres pauvres, ses amis, la mère de sa femme, sont l'occasion de justifier ses veilles et ses errances : il veut que le monde sache. Et, peut-être, dans la pauvreté même, « devenir presque accidentellement une sorte d'incarnation de la plus dévastatrice rancœur et de la plus injuste et intolérable rage du plus total désespoir ». Comme Julius, Ceuppens, ouvrier-écrivain au parcours peu commun, ne cesse d'interroger la validité de son projet, sa maîtrise de l'écriture et des genres. Ce faisant, il parvient à mettre en scène l'histoire des rapports d'un écrivain à son texte, compliqués par les difficultés inhérentes à son sujet, l'importance socio-politique qu'il revêt : dire la pauvreté vue de l'intérieur, sa géographie, la gamme infinie des comportements qu'elle induit, dire qu'elle est indicible.
A cet égard, il est permis de penser que l'éclatement des genres, l'hybridité du texte, les dialogues constants entre roman et pièce de théâtre, et jusqu'aux défauts de cette dernière (longues lectures à voix haute, manque de motivation des gestes et des parcours... ) sont l'idéale mise en forme de son propos : ils sont « la puissance du manque ».
Françoise DELMEZ
Raymond CEUPPENS, La Puissance du manque, Editions du Cerisier, 1993.
Cet été, les Editions du Cerisier font paraître un texte d'un genre un peu particulier : un roman-théâtre sur la pauvreté. Dire qu'il s'agit d'un roman flanqué d'une pièce de théâtre racontant la même histoire serait encore trop simple. Le premier texte constituait au départ une longue note introductive destinée à combler de détails et d'intentions les insuffisances de la pièce (et donc les dénonçant). La richesse narrative, le travail stylistique dont il a profité lui confèrent une qualité romanesque indubitable. Ceuppens tâche de montrer, en évitant les écueils de l'analyse sociologique, ce qu'est la pauvreté aux abords d'une grande ville. Le caractère d'urgence et de nécessité motivant son entreprise a gagné son écriture : une précision obsessionnelle — et quasi puérile si elle n'était pas si bien maîtrisée — la sous-tend, qui pourrait faire songer d'un peu loin à Thomas Bernhard. En fait, c'est la difficulté à parler de la pauvreté (dénonçant à rebours la difficulté à la saisir dans tous ses aspects) qui devient le sujet de ce texte double et inclassable, bénéficiant d'une mise en abyme intéressante : Julius, père de trois enfants, pauvre dans un quartier d'ouvriers gagnant bien leur vie, distributeur de journaux quelques jours par semaine, privé d'identité administrative, multiplie les manœuvres de déclassement en se mettant à écrire. Il a déjà rédigé deux articles, trônant sous chemise plastifiée dans la pièce qui lui sert d'appartement, et voudrait en rédiger davantage. Les lessives bruyantes de sa femme cristallisent les obstacles qui s'imposent à son ambition. Lorsqu'il ne travaille pas, Julius marche. Il se lève tôt. Il rentre tard. Il cherche le long du canal, dans les parkings souterrains, aux abords des terrains vagues. La nuit, il écrit ce qu'il a vu. Les regards dubitatifs que posent sur lui les autres pauvres, ses amis, la mère de sa femme, sont l'occasion de justifier ses veilles et ses errances : il veut que le monde sache. Et, peut-être, dans la pauvreté même, « devenir presque accidentellement une sorte d'incarnation de la plus dévastatrice rancœur et de la plus injuste et intolérable rage du plus total désespoir ». Comme Julius, Ceuppens, ouvrier-écrivain au parcours peu commun, ne cesse d'interroger la validité de son projet, sa maîtrise de l'écriture et des genres. Ce faisant, il parvient à mettre en scène l'histoire des rapports d'un écrivain à son texte, compliqués par les difficultés inhérentes à son sujet, l'importance socio-politique qu'il revêt : dire la pauvreté vue de l'intérieur, sa géographie, la gamme infinie des comportements qu'elle induit, dire qu'elle est indicible.
A cet égard, il est permis de penser que l'éclatement des genres, l'hybridité du texte, les dialogues constants entre roman et pièce de théâtre, et jusqu'aux défauts de cette dernière (longues lectures à voix haute, manque de motivation des gestes et des parcours... ) sont l'idéale mise en forme de son propos : ils sont « la puissance du manque ».
Françoise DELMEZ
Raymond CEUPPENS, La Puissance du manque, Editions du Cerisier, 1993.
Collection
Citer ce document
Ceuppens, Raymond, “La puissance du manque,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 22 novembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/2611.