Noctuelles
Titre
Noctuelles
Créateur
Contributeur
Éditeur
Date
2015
Description
Compilation d'oeuvres littéraires, de dessins, de partitions musicales, d'aquarelles , de photos, d'articles de presse, de Jacques Calonne et ses amis.
Dédicace de l'auteur à Luc Rémy
Dédicace de l'auteur à Luc Rémy
Format
17 X 24 cm
Langue
fr
Type
Support
592 p.
Identifiant
FLRB-CAL-N-0 000 209
ACDB-L-CAL-N-0 000 402
Résumé
Un coup de coeur du Carnet
Pierre MALHERBE
calonne_malherbeOutre une délicate pièce pour piano de Maurice Ravel, dédiée à Léon-Paul Fargue, il existe une myriade de noctuelles, près de vingt-cinq mille espèces à la surface de la terre, semble-t-il, et qu’on appelle un peu plus anonymement des papillons de nuit. Les chenilles de noctuelles sont la terreur des agriculteurs et des passionnés des jardins, car, polyphages, elles se nourrissent de tout ce qui leur passe sous le nez, et uniquement la nuit bien sûr – la journée, elles digèrent leur festin et se reposent avec nonchalance. Jacques Calonne, né en 1930 à Mons, fait partie de cette grande famille des noctuelles, à ceci près qu’il n’est la terreur de personne ayant les doigts verts.
Au contraire, ce rejeton de Cobra dont il fut l’un des plus jeunes membres, à 19 ans, n’a aucune peine à rassembler autour de sa personne de touche-à-tout, de ses partitions musicales, écrits poétiques, peintures, compositions calligraphiques et joyeuses extravagances artistiques, une imposante myriade d’amis et de connaissances. Composé avec soin et enthousiasme durant plusieurs années par Sylvie Van Hiel Broodthaers, voici que paraît à L’Âge d’Homme un de ces livres-monstres qui font le bonheur des fureteurs d’encyclopédies, et de tous ceux qui souhaiteront découvrir ou approcher de plus près ce lépidoptère lettré et curieux qu’est Jacques Calonne, également connu sous le nom du « Ténor mondain » – l’une de ses innombrables activités de soirée.
Souris, Boulez et Plastic Bertrand
Qui est réellement Jacques Calonne ? Près de six cent pages fourmillantes de témoignages, de textes, d’entretiens, de conversations improvisées, de documents, ne permettent évidemment pas de saisir l’insaisissable. Car, fidèle à sa réputation – « personne n’a vécu, ne vit comme lui l’antispécialisme de Cobra », écrivait son ami Dotremont en 1970 – Calonne s’est démultiplié dans le temps, l’espace et les disciplines. La musique y tient une grande place, lui qui, formé/déformé au conservatoire de Bruxelles, et ensuite à l’académie des beaux-arts, rencontra le dodécaphonisme grâce à André Souris. Dès le milieu des années 50, il fréquente durant quinze ans l’école de Darmstadt (Stockhausen, Maderna, Boulez…) puis, plus tard, Bartholomée, Foccroulle, et même Plastic Bertrand. Entre la carrière de compositeur-théoricien d’avant-garde et celle de chanteur de mélodies de salon ou de cabaret, Calonne n’a pas choisi, embrassant les deux. Ce qui donne ce compliment expert du musicologue Harry Halbreich : « Une œuvre de Jacques, c’est comme un diamant. Il aurait pu être le plus grand compositeur du pays. C’est un marginal irrécupérable. »
Le goût de l’inachèvement
La littérature et les arts plastiques n’en ont pas moins attiré dans leurs filets – à moins que ce ne soit l’inverse ? – l’auteur de Belle que jamais, un roman (et le seul), publié par Dotremont dans sa revue « Strates ». Par Cobra, ce collectionneur de pommes de terre en germes, de boîtes d’allumettes et de disques 78T se lie avec les acteurs de la « Belgique sauvage », le futur créateur des logogrammes, Pierre et Micky Alechinsky, Asger Jorn, mais également Appel, Bury, Reinhoud, André Balthazar ou encore les frères Piqueray. Assez désinvolte pour ne pas vouloir faire œuvre achevée, synonyme de pierre tombale, il laisse s’accumuler de petites choses, objets divers, brèves de comptoir, aphorismes, pastiches poétiques, bêtises entendues, notations légères et mignardises drôles, qui se dégustent ici comme des œufs d’esturgeon : « Dans le bottin de Berlin, en 1972, on trouvait seize Richard Wagner. » Ou : « Lorsqu’un Français tombe sur un mot français qu’il ne connaît pas, il croit que c’est un belgicisme. » Et encore: « Lu sur une affiche. La Tempête de William Shakespeare, spectacle en plein air. »
Pas franchement attiré par les surréalistes, il lorgne volontiers du côté des lexico-linguistes. Peut-être pas Hanse ou Grevisse, mais plutôt Schleyer, assez oublié aujourd’hui, créateur du volapük, un langage artificiel cousin de l’esperanto. La version de Calonne du « Corbeau et du Renard » en cet idiome est un chef-d’œuvre d’oralité, tout comme son Petit lexique picard belge qui n’eût pas déplu à Scutenaire. Calonne personnage a encore promené sa silhouette de dandy dégingandé dans des films de Luc de Heusch, Boris Lehman, Jan Bucquoy, Fred Van Besien, Claude François, Noël Godin, et déambulé nocturnement en maints estaminets, en compagnie d’amies et d’amis, connus ou inconnus. Pour un grand nombre d’entre eux, dont Edouard Baer, ils se trouvent en assez bonne situation dans cet ouvrage imparable, aussi inclassable que le reste son sujet. A vos filets !
Jacques CALONNE, Noctuelles, orchestré par Sylvie Van Hiel Broodthaers, Lausanne, L’Âge d’Homme, 592 p., 35 €
Pierre MALHERBE
calonne_malherbeOutre une délicate pièce pour piano de Maurice Ravel, dédiée à Léon-Paul Fargue, il existe une myriade de noctuelles, près de vingt-cinq mille espèces à la surface de la terre, semble-t-il, et qu’on appelle un peu plus anonymement des papillons de nuit. Les chenilles de noctuelles sont la terreur des agriculteurs et des passionnés des jardins, car, polyphages, elles se nourrissent de tout ce qui leur passe sous le nez, et uniquement la nuit bien sûr – la journée, elles digèrent leur festin et se reposent avec nonchalance. Jacques Calonne, né en 1930 à Mons, fait partie de cette grande famille des noctuelles, à ceci près qu’il n’est la terreur de personne ayant les doigts verts.
Au contraire, ce rejeton de Cobra dont il fut l’un des plus jeunes membres, à 19 ans, n’a aucune peine à rassembler autour de sa personne de touche-à-tout, de ses partitions musicales, écrits poétiques, peintures, compositions calligraphiques et joyeuses extravagances artistiques, une imposante myriade d’amis et de connaissances. Composé avec soin et enthousiasme durant plusieurs années par Sylvie Van Hiel Broodthaers, voici que paraît à L’Âge d’Homme un de ces livres-monstres qui font le bonheur des fureteurs d’encyclopédies, et de tous ceux qui souhaiteront découvrir ou approcher de plus près ce lépidoptère lettré et curieux qu’est Jacques Calonne, également connu sous le nom du « Ténor mondain » – l’une de ses innombrables activités de soirée.
Souris, Boulez et Plastic Bertrand
Qui est réellement Jacques Calonne ? Près de six cent pages fourmillantes de témoignages, de textes, d’entretiens, de conversations improvisées, de documents, ne permettent évidemment pas de saisir l’insaisissable. Car, fidèle à sa réputation – « personne n’a vécu, ne vit comme lui l’antispécialisme de Cobra », écrivait son ami Dotremont en 1970 – Calonne s’est démultiplié dans le temps, l’espace et les disciplines. La musique y tient une grande place, lui qui, formé/déformé au conservatoire de Bruxelles, et ensuite à l’académie des beaux-arts, rencontra le dodécaphonisme grâce à André Souris. Dès le milieu des années 50, il fréquente durant quinze ans l’école de Darmstadt (Stockhausen, Maderna, Boulez…) puis, plus tard, Bartholomée, Foccroulle, et même Plastic Bertrand. Entre la carrière de compositeur-théoricien d’avant-garde et celle de chanteur de mélodies de salon ou de cabaret, Calonne n’a pas choisi, embrassant les deux. Ce qui donne ce compliment expert du musicologue Harry Halbreich : « Une œuvre de Jacques, c’est comme un diamant. Il aurait pu être le plus grand compositeur du pays. C’est un marginal irrécupérable. »
Le goût de l’inachèvement
La littérature et les arts plastiques n’en ont pas moins attiré dans leurs filets – à moins que ce ne soit l’inverse ? – l’auteur de Belle que jamais, un roman (et le seul), publié par Dotremont dans sa revue « Strates ». Par Cobra, ce collectionneur de pommes de terre en germes, de boîtes d’allumettes et de disques 78T se lie avec les acteurs de la « Belgique sauvage », le futur créateur des logogrammes, Pierre et Micky Alechinsky, Asger Jorn, mais également Appel, Bury, Reinhoud, André Balthazar ou encore les frères Piqueray. Assez désinvolte pour ne pas vouloir faire œuvre achevée, synonyme de pierre tombale, il laisse s’accumuler de petites choses, objets divers, brèves de comptoir, aphorismes, pastiches poétiques, bêtises entendues, notations légères et mignardises drôles, qui se dégustent ici comme des œufs d’esturgeon : « Dans le bottin de Berlin, en 1972, on trouvait seize Richard Wagner. » Ou : « Lorsqu’un Français tombe sur un mot français qu’il ne connaît pas, il croit que c’est un belgicisme. » Et encore: « Lu sur une affiche. La Tempête de William Shakespeare, spectacle en plein air. »
Pas franchement attiré par les surréalistes, il lorgne volontiers du côté des lexico-linguistes. Peut-être pas Hanse ou Grevisse, mais plutôt Schleyer, assez oublié aujourd’hui, créateur du volapük, un langage artificiel cousin de l’esperanto. La version de Calonne du « Corbeau et du Renard » en cet idiome est un chef-d’œuvre d’oralité, tout comme son Petit lexique picard belge qui n’eût pas déplu à Scutenaire. Calonne personnage a encore promené sa silhouette de dandy dégingandé dans des films de Luc de Heusch, Boris Lehman, Jan Bucquoy, Fred Van Besien, Claude François, Noël Godin, et déambulé nocturnement en maints estaminets, en compagnie d’amies et d’amis, connus ou inconnus. Pour un grand nombre d’entre eux, dont Edouard Baer, ils se trouvent en assez bonne situation dans cet ouvrage imparable, aussi inclassable que le reste son sujet. A vos filets !
Jacques CALONNE, Noctuelles, orchestré par Sylvie Van Hiel Broodthaers, Lausanne, L’Âge d’Homme, 592 p., 35 €
ISBN
978-2-8251-4498-5
Dépôt légal
février 2015
Collection
Citer ce document
Calonne, Jacques, “Noctuelles,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 22 novembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/2963.