Féminaire
Titre
Féminaire
suivi de la libération de la parole
Créateur
Éditeur
Date
2000
Langue
fr
Type
Support
155 p.
15 X 23 cm
Identifiant
MOR-F-0 000 058
Résumé
Article dans Le Carnet et les Instants
Féminaire suivi de La libération de la parole éd. Lettres vives 2000 160 p.
Issu des entrailles Voici un livre qui a des allures de testament philosophique. Certes, il ne se présente pas comme tel, ou il se le refuse parce que cette affirmation pourrait bien être prématurée, mais il laisse le sentiment d'avoir été écrit de haute lutte, une dernière fois, tant que l'auteur se sentait encore bien vivant.
En effet, Marcel Moreau, à petites touches ci et là dans le texte, rappelle qu'il n'est plus de première jeunesse et laisse entendre, sans se plaindre et sans détailler, que sa santé est désormais chancelante. Mauvaise nouvelle, évidemment, surtout venant d'un écrivain qui a toujours placé les passions et les pulsions du corps au centre de ses préoccupations.
Il est facile de comprendre combien Moreau peut se sentir meurtri de n'avoir plus cette énergie qui l'a longtemps porté mais son écriture n'en souffre pas et elle n'a rien perdu en tonus ou en lyrisme. Au contraire même, aurais-je tendance à dire, mais je veux m'empêcher d'imaginer que ce livre a été conçu comme un superbe bouquet final.
Ainsi Féminaire est, avant tout, un hymne à la vie, à la femme et à l'amour. Un hymne répété de livre en livre, mais ici mieux qu'ailleurs dans son œuvre, on comprend combien Moreau a fait de son propre corps une sorte de creuset alchimique dans lequel il a provoqué d'étranges réactions où se brassaient ses passions, ses désirs et ses envies, où l'écriture amène à la femme qui ramène à l'écriture, où le lien est celui de l'amour, tantôt noué, tantôt à refaire.
Sans oublier que ce corps aura aussi été l'enveloppe de sa propre vie. Il se passe quelque chose qui tient à la fois de la transmutation et de la greffe ; si on peut distinguer le corps verbal du corps charnel, Moreau crée, par l'ivresse de l'exaltation, par un désir viscéral, une circulation, un corps à corps et une fusion. L'ensemble peut paraître chaotique mais il finit par se découvrir comme un formidable instinct de vie qui semble n'être jamais en repos. Et, au fond, peu nous importe ce qu'il a connu dans les alcôves, il suffit d'en suivre le chant exalté dont il laisse la trace débordante.
C'est déjà beaucoup. Faire sens, chez Moreau, relève à la fois de l'éveil, de la pratique et d'une résonance prolongée. La chair et la langue, l'amour et les mots se renforcent dans la même effervescence voluptueuse. Dans cet univers d'une grande densité, où toutes les ramifications ramènent au centre, où l'impression, entre vocabulaire débridé et phrases touffues, est de participer à une implosion permanente, Féminaire a l'avantage de s'articuler en une suite de textes courts qui permettent autant d'approches.
Cela oblige malheureusement à des répétitions mais cela autorise aussi à interrompre la lecture. L'ensemble se présente comme une sorte de miroir à facettes dans lesquelles Moreau se regarde tour à tour et se raconte.
Le livre devient ainsi une autobiographie émotionnelle (mais pas factuelle ; il n'y a pas plus de fausse pudeur que d'indiscrétion) qui glisse parfois vers la confession ou l'exposé d'une métaphysique. L'amour et l'écriture sont sans cesse repris, revus, réexposés dans les multiples aspects de leur interpénétration, dans leurs jaillissements troubles comme dans leurs réponses mutuelles, leurs extases. Il dit combien l'amour fou est révélateur, combien la chair mène à la connaissance. Il distingue deux formes de séduction mais hésite entre le fou et le sage et choisit entre l'amour qui dure et l'amour toujours recommencé. Mais il dit aussi sa haine des dogmes, l'horreur de l'excision et dénonce le « joug misogyne » qui condamne la moitié de l'humanité à des rôles subalternes.
Les quelques pages de La libération de la parole racontent en bref comment Marcel Moreau a osé prendre possession du langage tout en libérant son corps. L'un ne va jamais sans l'autre et s'en remettre à une parole générale, c'est réduire sa vie alors que la parole particulière est fondatrice de vie. Mais il faut aussi se méfier de certaines mystications que la parole permet. J'ai commencé par dire que ce livre était philosophique. Il me semble en effet que, par-delà la fiction de l'écriture, il témoigne essentiellement d'un art de vivre, ou pour mieux dire, d'une forme de vie qui se hisse, en même temps que sa propre pensée, à son paroxysme. Sans oublier que, passées l'anecdote amoureuse et l'image des chairs pantelantes, assigner un tel rôle au corps est aussi un acte politique.
Féminaire suivi de La libération de la parole éd. Lettres vives 2000 160 p.
Issu des entrailles Voici un livre qui a des allures de testament philosophique. Certes, il ne se présente pas comme tel, ou il se le refuse parce que cette affirmation pourrait bien être prématurée, mais il laisse le sentiment d'avoir été écrit de haute lutte, une dernière fois, tant que l'auteur se sentait encore bien vivant.
En effet, Marcel Moreau, à petites touches ci et là dans le texte, rappelle qu'il n'est plus de première jeunesse et laisse entendre, sans se plaindre et sans détailler, que sa santé est désormais chancelante. Mauvaise nouvelle, évidemment, surtout venant d'un écrivain qui a toujours placé les passions et les pulsions du corps au centre de ses préoccupations.
Il est facile de comprendre combien Moreau peut se sentir meurtri de n'avoir plus cette énergie qui l'a longtemps porté mais son écriture n'en souffre pas et elle n'a rien perdu en tonus ou en lyrisme. Au contraire même, aurais-je tendance à dire, mais je veux m'empêcher d'imaginer que ce livre a été conçu comme un superbe bouquet final.
Ainsi Féminaire est, avant tout, un hymne à la vie, à la femme et à l'amour. Un hymne répété de livre en livre, mais ici mieux qu'ailleurs dans son œuvre, on comprend combien Moreau a fait de son propre corps une sorte de creuset alchimique dans lequel il a provoqué d'étranges réactions où se brassaient ses passions, ses désirs et ses envies, où l'écriture amène à la femme qui ramène à l'écriture, où le lien est celui de l'amour, tantôt noué, tantôt à refaire.
Sans oublier que ce corps aura aussi été l'enveloppe de sa propre vie. Il se passe quelque chose qui tient à la fois de la transmutation et de la greffe ; si on peut distinguer le corps verbal du corps charnel, Moreau crée, par l'ivresse de l'exaltation, par un désir viscéral, une circulation, un corps à corps et une fusion. L'ensemble peut paraître chaotique mais il finit par se découvrir comme un formidable instinct de vie qui semble n'être jamais en repos. Et, au fond, peu nous importe ce qu'il a connu dans les alcôves, il suffit d'en suivre le chant exalté dont il laisse la trace débordante.
C'est déjà beaucoup. Faire sens, chez Moreau, relève à la fois de l'éveil, de la pratique et d'une résonance prolongée. La chair et la langue, l'amour et les mots se renforcent dans la même effervescence voluptueuse. Dans cet univers d'une grande densité, où toutes les ramifications ramènent au centre, où l'impression, entre vocabulaire débridé et phrases touffues, est de participer à une implosion permanente, Féminaire a l'avantage de s'articuler en une suite de textes courts qui permettent autant d'approches.
Cela oblige malheureusement à des répétitions mais cela autorise aussi à interrompre la lecture. L'ensemble se présente comme une sorte de miroir à facettes dans lesquelles Moreau se regarde tour à tour et se raconte.
Le livre devient ainsi une autobiographie émotionnelle (mais pas factuelle ; il n'y a pas plus de fausse pudeur que d'indiscrétion) qui glisse parfois vers la confession ou l'exposé d'une métaphysique. L'amour et l'écriture sont sans cesse repris, revus, réexposés dans les multiples aspects de leur interpénétration, dans leurs jaillissements troubles comme dans leurs réponses mutuelles, leurs extases. Il dit combien l'amour fou est révélateur, combien la chair mène à la connaissance. Il distingue deux formes de séduction mais hésite entre le fou et le sage et choisit entre l'amour qui dure et l'amour toujours recommencé. Mais il dit aussi sa haine des dogmes, l'horreur de l'excision et dénonce le « joug misogyne » qui condamne la moitié de l'humanité à des rôles subalternes.
Les quelques pages de La libération de la parole racontent en bref comment Marcel Moreau a osé prendre possession du langage tout en libérant son corps. L'un ne va jamais sans l'autre et s'en remettre à une parole générale, c'est réduire sa vie alors que la parole particulière est fondatrice de vie. Mais il faut aussi se méfier de certaines mystications que la parole permet. J'ai commencé par dire que ce livre était philosophique. Il me semble en effet que, par-delà la fiction de l'écriture, il témoigne essentiellement d'un art de vivre, ou pour mieux dire, d'une forme de vie qui se hisse, en même temps que sa propre pensée, à son paroxysme. Sans oublier que, passées l'anecdote amoureuse et l'image des chairs pantelantes, assigner un tel rôle au corps est aussi un acte politique.
Jack Keguenne
ISBN
2-903721-94-7
Collection de l'éditeur
Collection
Citer ce document
Moreau, Marcel, “Féminaire,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 22 décembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/1193.