Voix multiples
Titre
Voix multiples
Autre forme de titre
Anthologie (1949-1999)
Créateur
Éditeur
Date
2000
Format
15 X 21 cm.
Langue
fr
Type
Support
264 p.
Identifiant
MIG-V-0 000 073
Résumé
Le meilleur d'André Miguel
André Miguel a aujourd'hui quatre-vingts ans, et son premier recueil publié, Orphée et les Argonautes, plus de cinquante. Il ne convient guère, toutefois, à l'auteur du Piège du sacré de s'arrêter complaisamment sur l'œuvre accomplie ni de prendre la pose du sage qui a tout tenté et qui n'aurait plus d'autre occupation que d'admirer le chemin parcouru. Aussi Voix multiples, l'anthologie qu'a préparée Yves Namur, offre-t-elle moins l'occasion d'un bilan ou d'un hommage qu'elle n'invite à porter un regard panoramique sur une aventure poétique animée, d'emblée et pendant un demi siècle, par le souci constant de l'expérimentation. Rien n'est acquis, dans la poésie d'André Miguel, rien n'est indubitable. Dès les premiers textes, le réel semble vaciller, les valeurs se bouleverser : « II faut oser détruire les châteaux de sable, mettre le feu aux nappes d'essence ». Non loin du Plume d'Henry Michaux, les proses d'Onoo font surgir des réalités inédites, ou permettent à des mondes étranges voire inquiétants de se réveiller : « Nos sourcils et nos cristallins trempent dans un platane, puis nous bougeons un orteil dans le ventre d'un pigeon. / Le bloc raide du soleil nous soutient. / Aux alouettes tu cries : « J'ai volé une charrette de larves ». Se vide la charrette, il ne reste qu'une arbouse qui se met en marche, elle aussi. » Aux Fables de nuit, qui peuvent mettre en scène avec humour un « homme qui ressemble à lui-même enfin / c'est-à-dire a rien » font suite des recueils à la tonalité plus grave, que caractérisent une progressive déconstruction syntaxique et un éclatement du vers en divers lieux de la page. A partir de Boule androgyne, le poème dit tout autant à travers ce qu'il tait ; il n'est plus tout un monde mais un univers troué, fragmenté, mais les souvenirs esquissés d'un esprit « en morceaux ». S'il témoigne de l'unité perdue, il ne peut la recréer, malgré l'invention de mots-monstres où s'associent des entités jamais encore conciliées :
Tu portes en toi
un arbre
aux branches-hydres
un œil
aux feuilles-myriades-mobiles
Le poème déroule un bestiaire imparfait, forcément incomplet, une flore improbable perçue au gré de regards qui paraissent à la fois myopes et furtifs.
Dans L'Oiseau vespasien, paru dans sa dernière version en 1981, c'est par le biais de la profusion et de la transgression permanente que le réel est appréhendé. Une logorrhée délirante se donne à lire, où régnent le mot-valise, l'emprunt aux langues étrangères, la forgerie et les fautes voulues : « pensez à moi qui ne chante plus... qui n'ai plus d'oisebleu dans les pattes... pour lui faire sortir le richant par l'anus., tu ris toi médianochement de cette clairière... » Evidemment, la remise en cause de la structure du signifiant par la désécriture n'est pas vraiment dissociable d'une époque dont elle fut, pour certains écrivains, la marque de fabrique. André Miguel ne fut pas le premier à s'y essayer, mais pas non plus le moins original : par son ampleur proprement jubilatoire, son entreprise a dépassé les effets de mode. Dans un livre de 1992, Les fraises de l'an zéro, le principe d'accumulation fait place à la pratique de la troncation : ce qui demeure du langage commun se voit cassé, rejeté parfois au vers suivant sans nécessairement faire sens. Avec ces textes, le poème se révèle moins que jamais un objet pur et lisse tel que d'aucuns voudraient le sacraliser. Il est au mieux un pied de nez, un soliloque ivre, un chant de borborygmes. Dans les ouvrages les plus récents, André Miguel paraît avoir délaissé la désécriture. Son phrasé s'apaise alors qu'une douce ironie vient frapper des maîtres à penser comme Nietzsche ou Wittgenstein. Les anthologies, comme on sait, sont des machines à lire qui gagnent leur pari lorsqu'elles donnent envie de prolonger ou d'approfondir la découverte d'un auteur. C'est le cas, assurément, de ces Voix multiples, qui auraient pu, cependant, très utilement bénéficier de l'apport d'une bibliographie exhaustive.
Laurent Robert
Guide des Lettres belges
Littérature au présent
lien vers l'agenda de la culture
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André Miguel a aujourd'hui quatre-vingts ans, et son premier recueil publié, Orphée et les Argonautes, plus de cinquante. Il ne convient guère, toutefois, à l'auteur du Piège du sacré de s'arrêter complaisamment sur l'œuvre accomplie ni de prendre la pose du sage qui a tout tenté et qui n'aurait plus d'autre occupation que d'admirer le chemin parcouru. Aussi Voix multiples, l'anthologie qu'a préparée Yves Namur, offre-t-elle moins l'occasion d'un bilan ou d'un hommage qu'elle n'invite à porter un regard panoramique sur une aventure poétique animée, d'emblée et pendant un demi siècle, par le souci constant de l'expérimentation. Rien n'est acquis, dans la poésie d'André Miguel, rien n'est indubitable. Dès les premiers textes, le réel semble vaciller, les valeurs se bouleverser : « II faut oser détruire les châteaux de sable, mettre le feu aux nappes d'essence ». Non loin du Plume d'Henry Michaux, les proses d'Onoo font surgir des réalités inédites, ou permettent à des mondes étranges voire inquiétants de se réveiller : « Nos sourcils et nos cristallins trempent dans un platane, puis nous bougeons un orteil dans le ventre d'un pigeon. / Le bloc raide du soleil nous soutient. / Aux alouettes tu cries : « J'ai volé une charrette de larves ». Se vide la charrette, il ne reste qu'une arbouse qui se met en marche, elle aussi. » Aux Fables de nuit, qui peuvent mettre en scène avec humour un « homme qui ressemble à lui-même enfin / c'est-à-dire a rien » font suite des recueils à la tonalité plus grave, que caractérisent une progressive déconstruction syntaxique et un éclatement du vers en divers lieux de la page. A partir de Boule androgyne, le poème dit tout autant à travers ce qu'il tait ; il n'est plus tout un monde mais un univers troué, fragmenté, mais les souvenirs esquissés d'un esprit « en morceaux ». S'il témoigne de l'unité perdue, il ne peut la recréer, malgré l'invention de mots-monstres où s'associent des entités jamais encore conciliées :
Tu portes en toi
un arbre
aux branches-hydres
un œil
aux feuilles-myriades-mobiles
Le poème déroule un bestiaire imparfait, forcément incomplet, une flore improbable perçue au gré de regards qui paraissent à la fois myopes et furtifs.
Dans L'Oiseau vespasien, paru dans sa dernière version en 1981, c'est par le biais de la profusion et de la transgression permanente que le réel est appréhendé. Une logorrhée délirante se donne à lire, où régnent le mot-valise, l'emprunt aux langues étrangères, la forgerie et les fautes voulues : « pensez à moi qui ne chante plus... qui n'ai plus d'oisebleu dans les pattes... pour lui faire sortir le richant par l'anus., tu ris toi médianochement de cette clairière... » Evidemment, la remise en cause de la structure du signifiant par la désécriture n'est pas vraiment dissociable d'une époque dont elle fut, pour certains écrivains, la marque de fabrique. André Miguel ne fut pas le premier à s'y essayer, mais pas non plus le moins original : par son ampleur proprement jubilatoire, son entreprise a dépassé les effets de mode. Dans un livre de 1992, Les fraises de l'an zéro, le principe d'accumulation fait place à la pratique de la troncation : ce qui demeure du langage commun se voit cassé, rejeté parfois au vers suivant sans nécessairement faire sens. Avec ces textes, le poème se révèle moins que jamais un objet pur et lisse tel que d'aucuns voudraient le sacraliser. Il est au mieux un pied de nez, un soliloque ivre, un chant de borborygmes. Dans les ouvrages les plus récents, André Miguel paraît avoir délaissé la désécriture. Son phrasé s'apaise alors qu'une douce ironie vient frapper des maîtres à penser comme Nietzsche ou Wittgenstein. Les anthologies, comme on sait, sont des machines à lire qui gagnent leur pari lorsqu'elles donnent envie de prolonger ou d'approfondir la découverte d'un auteur. C'est le cas, assurément, de ces Voix multiples, qui auraient pu, cependant, très utilement bénéficier de l'apport d'une bibliographie exhaustive.
Laurent Robert
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ISBN
2-930232-39-0
Collection
Citer ce document
Miguel, André, “Voix multiples,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 22 décembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/1205.