Breucker, Roland
Titre
Breucker, Roland
Date de naissance
1945-05-31
Birth Date
1945-05-31
Birthplace
Verviers
Death Date
2009-06-26
Biographical Text
A l'occasion de la parution de mon premier livre-album, André Balthazar m'invitait à le rencontrer chez lui à La Louvière. Après vingt ans de fréquentation à distance, tout allait bientôt changer.
J'étais anxieux à l'idée de ce rendez-vous. Très touché aussi de l'intérêt que Balthazar semblait porter à mon travail, car il était de ceux dont l'avis m'importait. A cette époque, j'avais une production quantitativement importante, mais je ne montrais plus rien depuis 10 ans. Je m'étais totalement et volontairement isolé des sphères culturelles. La rencontre se passa au mieux, et au moment de nous séparer, j'eus l'impression de quitter un ami de longue date. On se reverra quelques fois durant la doizaine d'années qui suivra, toujours avec bonheur. Mais, probablement par frilosité, un peu par orgueil, et surtout par manque de confiance en moi, je ne lui proposerai pas mes dessins. De son côté, j'imagine qu'il avait d'autres bul à souffler. Pourtant nous allions collaborer plus tard.
En 1997, je l'ai entretenu vaguement du projet que nous avions, Claude Bourgeyx et moi, d'éditer les meilleures pages de Nobody's Perfect parues hebdomadairement dans les journaux Le Soir et Sud-Ouest Dimanche. Au cours de notre entrevue, à me grande surprise, André me proposa aussi d'illustrer son texte Linnéaments. J'étais ravi qu'il ait pensé à moi, d'autant qu'initialement il avait l'intention de le soumettre à Pierre Alchinsky (pour me bercer d'illusions, je n'ai jamais cherché à savoir s'il m'avait choisi ou si Alechinsky avait décliné sa proposition). J'acceptai, évidemment. André en bon éditeur, reporta la publication de son propre texte au profit de Nobody's perfect qui était quasi prêt à paraître et qui s'intitula pour l'occasion L'homme est bon, mais le veau est meilleur (titre que j'empruntais à Brecht).
Aussitôt après, j'entrepris Linnéaments, ce beau texte maraîcher. La période d'approche fut plutôt longue - presque trois semaines pour trouver le fil -, mais dès que je l'eus trouvé, je réalisai le travail sans discontinuer et dans un bonheur aussi total que possible. Depuis ce premier livre en collaboration, une sordide amitié me lie à Balthazar ; elle a remplacé peu à peu nos liens contractuels. Une fraternité semée d'agréments et de contrariétés comme toutes bonnes relations non objectives. Je n'ai pas encore trouvé, à ce jour, chez d'autres éditeurs, une aussi grande complicité, ni la liberté d'expression nécessaire à ma nature.
J'étais anxieux à l'idée de ce rendez-vous. Très touché aussi de l'intérêt que Balthazar semblait porter à mon travail, car il était de ceux dont l'avis m'importait. A cette époque, j'avais une production quantitativement importante, mais je ne montrais plus rien depuis 10 ans. Je m'étais totalement et volontairement isolé des sphères culturelles. La rencontre se passa au mieux, et au moment de nous séparer, j'eus l'impression de quitter un ami de longue date. On se reverra quelques fois durant la doizaine d'années qui suivra, toujours avec bonheur. Mais, probablement par frilosité, un peu par orgueil, et surtout par manque de confiance en moi, je ne lui proposerai pas mes dessins. De son côté, j'imagine qu'il avait d'autres bul à souffler. Pourtant nous allions collaborer plus tard.
En 1997, je l'ai entretenu vaguement du projet que nous avions, Claude Bourgeyx et moi, d'éditer les meilleures pages de Nobody's Perfect parues hebdomadairement dans les journaux Le Soir et Sud-Ouest Dimanche. Au cours de notre entrevue, à me grande surprise, André me proposa aussi d'illustrer son texte Linnéaments. J'étais ravi qu'il ait pensé à moi, d'autant qu'initialement il avait l'intention de le soumettre à Pierre Alchinsky (pour me bercer d'illusions, je n'ai jamais cherché à savoir s'il m'avait choisi ou si Alechinsky avait décliné sa proposition). J'acceptai, évidemment. André en bon éditeur, reporta la publication de son propre texte au profit de Nobody's perfect qui était quasi prêt à paraître et qui s'intitula pour l'occasion L'homme est bon, mais le veau est meilleur (titre que j'empruntais à Brecht).
Aussitôt après, j'entrepris Linnéaments, ce beau texte maraîcher. La période d'approche fut plutôt longue - presque trois semaines pour trouver le fil -, mais dès que je l'eus trouvé, je réalisai le travail sans discontinuer et dans un bonheur aussi total que possible. Depuis ce premier livre en collaboration, une sordide amitié me lie à Balthazar ; elle a remplacé peu à peu nos liens contractuels. Une fraternité semée d'agréments et de contrariétés comme toutes bonnes relations non objectives. Je n'ai pas encore trouvé, à ce jour, chez d'autres éditeurs, une aussi grande complicité, ni la liberté d'expression nécessaire à ma nature.
Extrait de Quelques années de mine, Le Daily-Bul, Yellow Now & 100titres, 2006
A regarder l'oeuvre de Roland Breucker, on n'ose pas trop en parler parce qu'elle parle toute seule. Du moins le semble-t-il. A y réfléchir et peut-être mieux voir (on sait que les yeux ne sont pas loin de la tête et de son cervau), le regardeur - dans les accidents de la route, on parle de témoin - trouve des espaces dans lequels il peut mijoter des idées à lui.
Ainsi, ouvrant des livres et catalogues (aussi des boites d'archives où de petits dessins furtifs, au crayons abondent), je me surpris à rapprocher cette oeuvre, et peut-être son auteur, de la pomme de terre.
Ô, Monsieur Patate, bobine de semoule et de croquette dorée, vous qui savez de quoi la Bintje est capable, dans sa silhouette et dans son silence, si paisible, salut à vous et à vos marionnettes non comestibles.
L'auteur souvent noir vêtu, proche de la terre, celle un peu grasse qui connut le charbon ; ses personnages aux rondeurs tubercules immobilisés dans des gestes assis ou suspendus, germinent(*) vers des lumières qui sont peut-être celles d'un ciel en rase-motte. Des danseuses ont des radicelles vers le bas, sous les bras ou ailleurs ; de francs goguenards aux dentitions de fécule rousse, voire de mildiou, ont des torticolis vers le haut, la bouche experte en diagonale, comme celles des mangeurs de frites qui fréquentent les antipodes.
On peut aussi y trouver - la terre est inventive et la pomme exubérante - sur des peaux apparemment tendues et fraiches, des turgescences allègres, des enflures de bonnes digestions, des polypes rubiconds, des érections florales... Ce qui n'empêche pas la grâce et d'aériens élans, loin des pieds, qui sont menus pour mieux se faire oublier dans la légèreté de l'air.
J'ai employé le mot "grâce", un mot qui convient bien à Roland Breucker qui, quoi qu'il y paraisse, n'a que faire de l'enfer.
Homme de lexiques, il est aussi un peu aztèque, je crois.
Un Simulateur de tubercules
André Balthazar
Ainsi, ouvrant des livres et catalogues (aussi des boites d'archives où de petits dessins furtifs, au crayons abondent), je me surpris à rapprocher cette oeuvre, et peut-être son auteur, de la pomme de terre.
Ô, Monsieur Patate, bobine de semoule et de croquette dorée, vous qui savez de quoi la Bintje est capable, dans sa silhouette et dans son silence, si paisible, salut à vous et à vos marionnettes non comestibles.
L'auteur souvent noir vêtu, proche de la terre, celle un peu grasse qui connut le charbon ; ses personnages aux rondeurs tubercules immobilisés dans des gestes assis ou suspendus, germinent(*) vers des lumières qui sont peut-être celles d'un ciel en rase-motte. Des danseuses ont des radicelles vers le bas, sous les bras ou ailleurs ; de francs goguenards aux dentitions de fécule rousse, voire de mildiou, ont des torticolis vers le haut, la bouche experte en diagonale, comme celles des mangeurs de frites qui fréquentent les antipodes.
On peut aussi y trouver - la terre est inventive et la pomme exubérante - sur des peaux apparemment tendues et fraiches, des turgescences allègres, des enflures de bonnes digestions, des polypes rubiconds, des érections florales... Ce qui n'empêche pas la grâce et d'aériens élans, loin des pieds, qui sont menus pour mieux se faire oublier dans la légèreté de l'air.
J'ai employé le mot "grâce", un mot qui convient bien à Roland Breucker qui, quoi qu'il y paraisse, n'a que faire de l'enfer.
Homme de lexiques, il est aussi un peu aztèque, je crois.
Un Simulateur de tubercules
André Balthazar
Bibliography
- Correspondances, textes et dessins, Collection Polémique et mousse, éd. 100 titres, Bruxelles, 2011.
- Billets d'où, textes et dessins, Collection Polémique et mousse, éd. 100 titres, Bruxelles, 2009.
- Travail au noir, collection Boîte à gifles (50 exemplaires), éd. Jean-Médor diffusion, Liège, 2008.
- Timbres fêlés, livret d’artiste comprenant 6 timbres (60 exemplaires), éd. Jean-Médor diffusion, Liège, 2008.
- Tribus d’après Voyage en Grande Garabagne de Henri Michaux, 36 gouaches, livre d’artiste, (24 expl.), éd. Ligne de tête, Liège, 2008.
- Travail au noir, Quelques métiers propices, livre d'artiste, (24 ex.), Liège, éd. Ligne de tête, 2006.
- Travail au noir, Quelques métiers propices, textes et dessins, La Louvière, éd. Le Daily-Bul, 2005.
- Lexikon, textes d'André Balthazar. La Louvière, éd. Le Daily- Bul. Le Suçon, tome 12, 2009 - Le Rien, tome 11, 2007 - Le Point, tome 10, 2005 - Le Pain, tome 9, 2002 - La Trompette, tome 8, 2001 - La Pipe, tome 7, 2000 - Le Nez, tome 6, 2000 - La Poire, tome 5, 2000 - La Chaise, tome 4, 1999 - La Culotte, tome 3, 1999 - Le Chapeau, tome 2, 1999 - Le Soulier, tome 1, 1999.
- André Balthazar : l'Air de rien, en collaboration avec Alain Delaunois, La Louvière, musée lanchelevici, 2004.
- Aphorismes gourmands, textes, gravures de Jean-Claude Loubières, Paris, Adè!éo éditions, 2004.
- Les Oreilles à l'air, dessins, textes de Philippe de Boissy, Landemer, motus, coll. Pommes Pirates Papillons, 2003.
- Petits-Gris, dessins, La Louvière, Le Daily-Bul, 1998.
- Linnéaments, dessins, textes d'André Balthazar, La Louvière, Le Daily-Bul, 1997.
- L'Homme est bon, mais le veau est meilleur, dessins, textes de Claude Bourgeyx, La Louvière, Le Daily-Bul, 1997.
- Le Fil à retordre, dessins, textes de Claude Bourgeyx, Paris, Nathan, 1991.
- Je parle avec les mains, textes et dessins, Paris, Gilbert Salachas éditions, Paris, 1985
Collection
Citer ce document
“Breucker, Roland,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 23 novembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/1369.