Les temps partagés
Titre
Les temps partagés
Créateur
Date
1993
Description
Catalogue de l'exposition "Gabriel Belgeonne - Les temps partagés" au Centre de la gravure à La Louvière du 25/09 au 31/10/1993.
Préface de André Balthazar Présentation de Bernadette D'Haye Reproductions des aquatintes de l'auteur
Préface de André Balthazar Présentation de Bernadette D'Haye Reproductions des aquatintes de l'auteur
Format
17 x 24 cm
Langue
fr
Type
Support
np
Identifiant
FPPB-BEL-T-0 000 002
Résumé
Les aquatintes de Gabriel Belgeonne au centre de ces «Temps partagés» Implanté rue des Amours, le Centre de la gravure et de l'image imprimée de La Louvière est un vaste bâtiment dont l'architecture tape-à-l'oeil, dans le voisinage des modestes maisonnettes louviéroises, offense nettement le regard. Un dinosaure dans un environnement de poupée...
Mais l'intérieur vaste, lumineux, déjoue généralement cet effet coup de poing dont la Belgique s'est fait un triste priviliège. Les accrochages ne pâtissent pas de ce dispositif à plateaux, les oeuvres mises en situation avec grâce font oublier la technicité du bâtiment. C'est particulièrement vrai avec les gravures de Gabriel Belgeonne. Pourtant, on pouvait craindre que ces gravures tout en nuances et menus plaisirs, plus destinées à la patiente caresse de l'oeil, au recueillement de la main qui feuillette qu'au développement dans l'espace, auraient un certain mal à se colleter avec les murs. Il n'en est rien et l'espace intérieur qui est le leur, cette cosmogonie bruissante de mille mouvements imperceptibles, ce poudroiement métaphysique du temps dans l'espace mêlé aux larvaires aventures de l'encre, prennent parfaitement corps. Une condition, toutefois: suivre le parcours à rebours et faire fi de la chronologie. C'est au troisième niveau, en effet, que l'oeuvre récente de Belgeonne déploie au mieux ses charmes: ce qui ailleurs paraît parfois ténu, excessivement confidentiel - expérimentation d'atelier, alchimie un peu vaine de praticien - s'organise ici en un vaste monde dépourvu d'arbitraire. Grandes gravures et tableautins bougent admirablement, se répondent alors qu'au premier niveau l'accrochage est plus sec, plus monotone. Mais sans doute est-ce le fait, en bas, d'une oeuvre différente, plus retenue, plus contrôlée, presqu'immobile, lente incrustation de la forme dans la matière que représente l'anamite, ce motif emblématique de la fossilisation dont Belgeonne se servit souvent, mimant de son travail de graveur la lente offensive du temps. Comme un oeil à la surface de l'oeuvre, la fragile coquille paraît régler de sa présence les imperceptibles changements d'éclairage, de texture, de configuration que l'artiste imprime à ses planches, opposant la stratégie de l'escargot aux séismes qui secouent d'ordinaire la représentation artistique. Curieusement, tant de confidentialité, de scrupuleuse attention à ce qui se trame à la lisière du réel, n'est pas hors du monde mais en lui. Refusant les images pour ne garder des choses vues et vécues que le principe de leur macération et de leur métamorphose ou, au contraire, de leur éparpillement en une multitude de signes, Belgeonne a défini une topologie des mouvements de l'âme que sa sensitivité exceptionnelle suffit à situer en dehors des catégories traditionnelles. Visitant d'abord ce troisième niveau, on mesure mieux ce que le langage de Belgeonne a d'original, d'irréductible à cette abstraction lyrique avec laquelle, dans un premier temps, on serait tenté de le confondre et dont le répertoire, après près d'un demi-siècle de bons et loyaux services, peut paraître épuisé.
Certes et pour autant qu'on se contente de généralités, Belgeonne appartient à la grande famille de Soulages, Hartung, Degottex, Tapiès, Zao Wou Ki... Comme eux, il explore la face la moins visible des choses, s'attache à traduire en variations formelles et chromatiques - infinies nuances du clair et du sombre - les palpitations les plus secrètes de la planète. Mais on ne sent jamais poindre chez lui l'inclination pour le formalisme qui guette ce genre d'expression. Comme d'autres savent trouver le mot juste, éviter le bavardage, Belgeonne sait doser, sans faillir, les plus délétères de ses turbulences plastiques.
Mais l'intérieur vaste, lumineux, déjoue généralement cet effet coup de poing dont la Belgique s'est fait un triste priviliège. Les accrochages ne pâtissent pas de ce dispositif à plateaux, les oeuvres mises en situation avec grâce font oublier la technicité du bâtiment. C'est particulièrement vrai avec les gravures de Gabriel Belgeonne. Pourtant, on pouvait craindre que ces gravures tout en nuances et menus plaisirs, plus destinées à la patiente caresse de l'oeil, au recueillement de la main qui feuillette qu'au développement dans l'espace, auraient un certain mal à se colleter avec les murs. Il n'en est rien et l'espace intérieur qui est le leur, cette cosmogonie bruissante de mille mouvements imperceptibles, ce poudroiement métaphysique du temps dans l'espace mêlé aux larvaires aventures de l'encre, prennent parfaitement corps. Une condition, toutefois: suivre le parcours à rebours et faire fi de la chronologie. C'est au troisième niveau, en effet, que l'oeuvre récente de Belgeonne déploie au mieux ses charmes: ce qui ailleurs paraît parfois ténu, excessivement confidentiel - expérimentation d'atelier, alchimie un peu vaine de praticien - s'organise ici en un vaste monde dépourvu d'arbitraire. Grandes gravures et tableautins bougent admirablement, se répondent alors qu'au premier niveau l'accrochage est plus sec, plus monotone. Mais sans doute est-ce le fait, en bas, d'une oeuvre différente, plus retenue, plus contrôlée, presqu'immobile, lente incrustation de la forme dans la matière que représente l'anamite, ce motif emblématique de la fossilisation dont Belgeonne se servit souvent, mimant de son travail de graveur la lente offensive du temps. Comme un oeil à la surface de l'oeuvre, la fragile coquille paraît régler de sa présence les imperceptibles changements d'éclairage, de texture, de configuration que l'artiste imprime à ses planches, opposant la stratégie de l'escargot aux séismes qui secouent d'ordinaire la représentation artistique. Curieusement, tant de confidentialité, de scrupuleuse attention à ce qui se trame à la lisière du réel, n'est pas hors du monde mais en lui. Refusant les images pour ne garder des choses vues et vécues que le principe de leur macération et de leur métamorphose ou, au contraire, de leur éparpillement en une multitude de signes, Belgeonne a défini une topologie des mouvements de l'âme que sa sensitivité exceptionnelle suffit à situer en dehors des catégories traditionnelles. Visitant d'abord ce troisième niveau, on mesure mieux ce que le langage de Belgeonne a d'original, d'irréductible à cette abstraction lyrique avec laquelle, dans un premier temps, on serait tenté de le confondre et dont le répertoire, après près d'un demi-siècle de bons et loyaux services, peut paraître épuisé.
Certes et pour autant qu'on se contente de généralités, Belgeonne appartient à la grande famille de Soulages, Hartung, Degottex, Tapiès, Zao Wou Ki... Comme eux, il explore la face la moins visible des choses, s'attache à traduire en variations formelles et chromatiques - infinies nuances du clair et du sombre - les palpitations les plus secrètes de la planète. Mais on ne sent jamais poindre chez lui l'inclination pour le formalisme qui guette ce genre d'expression. Comme d'autres savent trouver le mot juste, éviter le bavardage, Belgeonne sait doser, sans faillir, les plus délétères de ses turbulences plastiques.
DANIÈLE GILLEMON
Dépôt légal
D/1993/5326/2
Collection
Citer ce document
Belgeonne, Gabriel, “Les temps partagés,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 22 décembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/1581.