Le tunnel
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Résumé
La poésie d'amour de Madeleine Moreau se rattache sans doute à cette opération spirituelle d'annexion du monde objectif au domaine de l'humain, -l'humanisé- qui caractérise le mouvement de la connaissance. Les vers s'affirment ici incantation magique de réalités quotidiennes, individualisées aussi, qui restituent avec ferveur une sensibilité unique, celle d'un poète.
D'où la difficulté parfois de la démarche de l'auteur, mais aussi l'enrichissement qu'apporte au lecteur un compagnonnage momentané.
Madeleine Moreau oblige à VOIR ce que son regard ou son coeur perçoit ; elle donne un spectacle qui met en évidence l'émouvante simplicité du réel :
Serrant son souffle
une fôret de biches
se presse au battant des gibecières.
De mots communs nourrissant ses vers, elle nomme ce que trop souvent nous ne voyons plus, l'habitude tenant lieu de vision ; elle sucite ce que la paresse citadine de notre oeil estompe et perd. Elle s'engage dans les chemins de la poésie moderne qui, les mirages et la parole religieuse désormais évanouis, recrée à hauteur d'homme le monde naturel.
Cette litanie évoquant un univers public et si intime à la fois souffre par moment d'un déséquilibre précieux dans la métaphore, qui permet des obscurités vaines. Parfois aussi elle sacrifie aux allusions mystiques désuètes (certains passages de Naissance du cerf). Nous nous éloignons alors des éclairements que la poésie métaphysique d'Yves Bonnefoy par exemple projette sur les mondes intérieurs. Pourrait-on cependant rester insensible à la chanson de l'amour qui détaille une cosmogogie ?
Ayant séparé l'illusion de sa pelure
je descends du train
j'ôte mes souliers
je marche trois pas dans la mer
........................
Je croyais presque à l'éternité des mouettes.
Naissance sans doute, création assurément, mais humaine, sensible, amoureuse. Et celle-là n'est-elle pas seule valable dans le silence des dieux retombés à la poussière?
J. Noiret