l'ordre des choses
Titre
l'ordre des choses
Créateur
Éditeur
Date
1998
Format
15 X 21 p.
Langue
fr
Type
Support
88 p.
Identifiant
DUS-O-0 000 088
Résumé
Un très lent naufrage Monique Dussaussois dit et déplore «L'ordre des choses»
MAURY,PIERRE
Page 32
Mercredi 5 août 1998
Un très lent naufrage Monique Dussaussois dit et déplore «L'ordre des choses»
Un premier roman prometteur, «Le suicidaire», avait signalé Monique Dussaussois à l'attention de lecteurs exigeants. Mais c'était en 1974 et il y eut ensuite plus de vingt ans de silence avant le recueil de nouvelles paru en 1995, «Fêtes lointaines». Sur un autre registre encore, appelons-le prose poétique, voici son troisième livre, le plus pur, «L'ordre des choses», l'histoire à peine tracée d'un amour qui fut, ou ne fut pas, mais ne peut en tout cas qu'être très présent pour «elle», le personnage féminin qui s'adresse à «toi», l'autre - et le dédicataire du livre est, précisément, «toi»...
Elle est là, encore. Elle marche dans le lieu de verre et de métal, parmi les feux éteints, dans le silence des monstres obsolètes, dans le sommeil des peuples oubliés. Elle traverse les murs et de très vieux orages, des foules aux cris anciens, aux gestes abolis. Elle passe, elle regarde passer des saisons d'arbres dérisoires, de frissons d'herbes improbables.
Ainsi s'ouvre «L'ordre des choses» - un ordre venu on ne sait d'où mais de loin, et profondément ancré en elle, assez pour être responsable de la perte d'un amour. An I: tous les espoirs sont permis, mais déjà la rupture guette, inévitable, et par avance la douleur de celle-ci s'installe. An II: l'année de la fatigue, quand tout est consommé, qu'il est trop tard pour relier les fils dénoués, trop tôt pour l'accepter. An III, et les autres...: Après, il n'y a rien. Trois parties, de longueurs décroissantes, à essayer de dire, d'avancer les mots adéquats et toujours douloureux.
Monique Dussaussois joue sur les échos, sur la répétition. Ressassement d'images et de sonorités qu'on pensait oubliées et qui tout à coup s'imposent avec une puissance retrouvée, comme si l'impensable devait enfin prendre forme. Il y a beaucoup de peut-être , aussi, dans le tremblement du souvenir qui cherche à se reconstituer des points de repère au milieu des ruines: Peut-être l'aimais-tu, comme personne ne l'aurait aimée; peut-être n'avais-tu jamais cessé de le lui dire.
Pour faciliter la compréhension, on aimerait tirer le fil narratif qui court à travers les fragments disposés entre les blancs qui sont l'hésitation de la voix, le moment de chercher le souffle, l'articulation de la parole. Ce serait trahir cet ouvrage construit comme un puzzle
Non, décidément, tous les livres qui parlent d'amour ne sont pas des romans roses. «L'ordre des choses», qui décrit aussi bien l'amour et ses limites imposées par des habitudes anciennes, pousserait plutôt à la déprime. Le lent naufrage dont il rend compte paraît à ce point inéluctable qu'il ouvre sur le vertige des gouffres auquel on ne résiste pas.
Est-ce pour autant complaisance, comme on réveille une vieille douleur afin de la vivre encore? Ce serait plutôt pour vivre, précisément, puisqu'il n'y a pas que de la douleur. Le dernier paragraphe, en forme de conclusion ouverte, donne à penser que d'avoir touché au bonheur est déjà, jusque dans la mémoire, une forme de bonheur. Et même si cela ne va pas sans son revers - tout ce qui a échoué, tout ce qui aurait pu être -, la face brillante de l'existence est encore là, il n'y a qu'à gratter la poussière pour lui rendre son éclat.
On en vient à se dire que cette «elle»-là n'a pas respecté les règles de sa société: L'ordre des choses, son ordre à elle était silence. Ne déranger rien ni personne. L'habitude de partir. La voici en effet qui déboule avec ses paroles, et qui dérange. Un sain dérangement, faut-il le dire?
PIERRE MAURY
Monique Dussaussois, «L'ordre des choses». Talus d'approche, 91 pp., 498 F.
MAURY,PIERRE
Page 32
Mercredi 5 août 1998
Un très lent naufrage Monique Dussaussois dit et déplore «L'ordre des choses»
Un premier roman prometteur, «Le suicidaire», avait signalé Monique Dussaussois à l'attention de lecteurs exigeants. Mais c'était en 1974 et il y eut ensuite plus de vingt ans de silence avant le recueil de nouvelles paru en 1995, «Fêtes lointaines». Sur un autre registre encore, appelons-le prose poétique, voici son troisième livre, le plus pur, «L'ordre des choses», l'histoire à peine tracée d'un amour qui fut, ou ne fut pas, mais ne peut en tout cas qu'être très présent pour «elle», le personnage féminin qui s'adresse à «toi», l'autre - et le dédicataire du livre est, précisément, «toi»...
Elle est là, encore. Elle marche dans le lieu de verre et de métal, parmi les feux éteints, dans le silence des monstres obsolètes, dans le sommeil des peuples oubliés. Elle traverse les murs et de très vieux orages, des foules aux cris anciens, aux gestes abolis. Elle passe, elle regarde passer des saisons d'arbres dérisoires, de frissons d'herbes improbables.
Ainsi s'ouvre «L'ordre des choses» - un ordre venu on ne sait d'où mais de loin, et profondément ancré en elle, assez pour être responsable de la perte d'un amour. An I: tous les espoirs sont permis, mais déjà la rupture guette, inévitable, et par avance la douleur de celle-ci s'installe. An II: l'année de la fatigue, quand tout est consommé, qu'il est trop tard pour relier les fils dénoués, trop tôt pour l'accepter. An III, et les autres...: Après, il n'y a rien. Trois parties, de longueurs décroissantes, à essayer de dire, d'avancer les mots adéquats et toujours douloureux.
Monique Dussaussois joue sur les échos, sur la répétition. Ressassement d'images et de sonorités qu'on pensait oubliées et qui tout à coup s'imposent avec une puissance retrouvée, comme si l'impensable devait enfin prendre forme. Il y a beaucoup de peut-être , aussi, dans le tremblement du souvenir qui cherche à se reconstituer des points de repère au milieu des ruines: Peut-être l'aimais-tu, comme personne ne l'aurait aimée; peut-être n'avais-tu jamais cessé de le lui dire.
Pour faciliter la compréhension, on aimerait tirer le fil narratif qui court à travers les fragments disposés entre les blancs qui sont l'hésitation de la voix, le moment de chercher le souffle, l'articulation de la parole. Ce serait trahir cet ouvrage construit comme un puzzle
Non, décidément, tous les livres qui parlent d'amour ne sont pas des romans roses. «L'ordre des choses», qui décrit aussi bien l'amour et ses limites imposées par des habitudes anciennes, pousserait plutôt à la déprime. Le lent naufrage dont il rend compte paraît à ce point inéluctable qu'il ouvre sur le vertige des gouffres auquel on ne résiste pas.
Est-ce pour autant complaisance, comme on réveille une vieille douleur afin de la vivre encore? Ce serait plutôt pour vivre, précisément, puisqu'il n'y a pas que de la douleur. Le dernier paragraphe, en forme de conclusion ouverte, donne à penser que d'avoir touché au bonheur est déjà, jusque dans la mémoire, une forme de bonheur. Et même si cela ne va pas sans son revers - tout ce qui a échoué, tout ce qui aurait pu être -, la face brillante de l'existence est encore là, il n'y a qu'à gratter la poussière pour lui rendre son éclat.
On en vient à se dire que cette «elle»-là n'a pas respecté les règles de sa société: L'ordre des choses, son ordre à elle était silence. Ne déranger rien ni personne. L'habitude de partir. La voici en effet qui déboule avec ses paroles, et qui dérange. Un sain dérangement, faut-il le dire?
PIERRE MAURY
Monique Dussaussois, «L'ordre des choses». Talus d'approche, 91 pp., 498 F.
ISBN
2-87246-064-0
Collection
Citer ce document
Dussaussois, Monique, “l'ordre des choses,” Centre Daily-Bul & C° - Archives, consulté le 25 novembre 2024, http://dailybul.be/archibul/items/show/1220.